samedi 10 septembre 2011

Histoire d'une vieille demeure

Patrimoine d’Orvault
Manoir de Bel-Ebat



Quelle est l’origine du Manoir de Bel-Ebat et qui en était le constructeur ?


Sur la page de couverture du bulletin municipal d'orvault de 1980 - année du Patrimoine - figure la photo d'un tableau peint en 1909, représentant le manoir de Bel-Ebat (côté cour),  intitulé "maison de sire Gratien d 'Arragon et Gratienne Poullain - sieur et dame de Beletbas". Les fenêtres du premier étage ont encore leur meneau et traverse.
Le bâtiment avait été transformé en ferme, on aperçoit une charrette à foin et son boeuf sous le hangar.
Nous n'avons pu retrouver ce tableau.


plaquette du bulletin municipal


Passionnés des vieilles pierres, nous nous sommes lancés en 1984 dans la restauration de ce bâtiment seigneurial datant de la seconde moitié du XIVème siècle (peut-être même avant….). Un document indique l'année 1370 concernant l'achèvement des travaux. Il a fallu certainement beaucoup de temps pour sa construction, on peut en déduire qu'il date de la fin XIIIème/début XIVème...

 
(source : matrice cadastrale - fiche d'immeuble 2013).

N’est-il pas important de restaurer notre patrimoine et ainsi faire connaître l’histoire de ses anciens propriétaires et à travers eux l'histoire de la commune et ainsi respecter les bâtisseurs de ces édifices ?

Ce manoir a échappé à la destruction quand nous l'avons acheté, le terrain a été loti en plusieurs parcelles dont 13 destinées à la construction d'habitations et un lot bâti comprenant le manoir. La commission d'urbanisme et d'équipement a exprimé la volonté de sauvegarder le manoir - 2.05.1984.

Nous nous sommes donc lancés…. Il n’y avait ni chauffage, ni eau, juste l’électricité quand nous l’avons acheté. Les murs ainsi que les sols étaient cimentés où en terre battue où bien encore en dalles de granit et des ouvertures avaient été murées.

vue du 1er étage sur le moulin de la retardière, au loin, avant que le lotissement de Bel-Ebat soit réalisé

De gros travaux de restauration intérieure furent entrepris avec l’aide d’un tailleur de pierres, passionné par la période moyenâgeuse http://sculpteur-sculpture-ornementale-statuaire-expert-patrimoine.boistel-conseil-sculpteur.com/, en nous indiquant que "dans le cas d'un bâtiment comme celui-ci, il lui semblait impératif d'étudier le bâtiment existant, son histoire, sa structure, afin d'en utiliser les moindres recoins, en tirant parti ,du mieux possible, des éléments qui vont constituer le cadre de vie future" . Il s'est converti en maître d’œuvre pour tous les travaux de gros œuvre qu’il y avait à faire, en mariant les techniques et matériaux traditionnels pour une utilité moderne du bâtiment.

Selon ses notes et après diverses investigations, il y aurait eu des remaniements au XVème, fin XVIIème/début XVIIIème. Ce manoir aurait été beaucoup plus important à l'origine, d’après les éléments retrouvés sur place. Le piquage des murs a permis en effet de faire apparaître des pierres taillées : encadrement de portes, de fenêtre, bancs d’église, piscine de baptême (une chapelle devait exister), restes de meneaux (traverses de fenêtre en pierre)  ainsi que des portes et fenêtres qui avaient été murées, elles ont été ouvertes aujourd'hui.

Les rénovations extérieures confirment que ce bâtiment date du moyen âge. Il y aurait des vestiges du XIIème siècle.




porte intérieure 


morceaux de meneaux


Cette maison possède un four à pain intérieur, de grandes cheminées dont une possédant un four à pâté. Tous ces éléments laissent donc supposer que le bâtiment était beaucoup plus important à l’origine qu'aujourd'hui.


four à pain
vitrail


Un puits  (XIVème) qui avait été comblé a été réouvert,  de nouvelles pierres ont été taillées sur l'exemple des anciennes et l'ensemble a été remonté.







On peut lire dans un extrait du bulletin municipal de 1979 qui m’a gentiment été envoyé par le Père Hubert Bréheret de Nantes :
« Bel-Ebat, comme le Doucet était alimenté par un seul point d’eau, une fontaine située près d’une mare qui servait d’abreuvoir aux bestiaux. Malgré cette proximité, l'eau était très limpide et n'a jamais rendu personne malade". »
Bel-Ebat, comme toute gentilhommière qui se respecte, avait aussi son étang...
Les précédents propriétaires devaient puiser de l'eau un peu plus haut, à la fontaine, dans le village (ce point d'eau est public maintenant) !

La fontaine existe toujours de nos jours, elle est situé à environ 80m de la maison, en amont.



puits découvert restauré



On peut lire également dans "les annales de Nantes et du pays Nantais (automne 1969)" qui était une revue trimestrielle de la société académique de Nantes de la Loire-atlantique- Chapitre : visite aux châteaux d'orvault - page 13 :

"Doucet-Bel'Ebat, les deux villages sont très proches et l'on y trouve la trace de gentilhommières abandonnées. Furent propriétaires en 1600 les d'Aragon (Daragon) et les Loriot.......il y eut un mariage d'un Bourigan du Pé avec une dame letessier (le Texier) de Bel'Ebat, ce qui indique que la seigneurie avait son importance : elle fut délaissée de bonne heure.

Nous avons trouvé 2 pièces dans le sol à l'intérieur de la maison et une médaille de l'exposition universelle de Paris 1878 (il y aurait eu parait-il une pièce romaine découverte  dans le jardin par le précédent propriétaire).














Nous avons découvert également les restes d'une pipe en terre dans le puits.

pipe en terre













D'autres restauration restent à venir...


Après diverses recherches, j’ai retrouvé la trace des plus anciens propriétaires connus, à ce jour, Gratien Daragon et Gratienne Poullain , ayant occupé Bel-Ebat  au XVIème siècle :

  Extraits de diverses archives :



 Selon//www.infobretagne.com/orvault.htm :
"Entre 1588 et 1606, Gratien d'Aragon et sa dame, née Poulain, demeurant à Bel-Ebat, offrent une croix dorée"

Les familles Daragon et Poullain faisaient partie des familles commerçantes importantes de Nantes et possédaient des boutiques à la fosse de Nantes.

Gratien d’Aragon était d’origine espagnole, naturalisé entre 1546-1555. (www.persee.fr/web/revues/.../hispa_0007-4640_1914_num_16_3_1874).

Gracienne POULLAIN née à Nantes  en 1513 de POULLAIN Michel et LEMERCIER Françoise (union 1551).Grands parents : POULLAIN Robin député de Nantes auprès de la reine Anne (1470-1522) et Gratienne ARNOLLET  (1476-1546). On remonte jusque dans les années 1440 pour retrouver les arrières grands parents.

Dans les note de Guy Saupin; On lit que la famille Poullain était, elle aussi, d'origine Castillane, immigrée dès le milieu du XVème siècle et faisait partie du conseil des bourgeois.
(abpo.revues.org/pdf/1054- note sur les rapports de Nantes avec l’espagne) .

Selon les registres de baptèmes sur la paroisse de St Nicolas on se rend compte que ces familles espagnoles s'alliaient entre elles car ils sont seuls parrains et marraines des enfants qui naissent de leurs unions. Voir note sur les rapports de nantes avec l'espagne : 
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hispa_0007-4640_1912_num_14_4_1791

Gracien D'aragon et Gratienne Poullain  étaient l'oncle et la tante de Jacques de Bourgues (Diego de Burgos né à Burgos en espagne en 1534), époux de Françoise Arnollet.
Le père de Jacques de Bourgues était marié à une Poullain.
D’après  www.archives.nantes.fr/... /serie_gg_saint_nicolas.htm, baptêmes :
"parrains et marraines des enfants de Mathurin MERIAUD apothicaire x Jeanne de LAUNAY -  1557 : ‘Gatianne POULLAIN femme de Gatian d’Aragon."
 " Le 20 décbre 1572, furent baptisées deux cloches pour servir à la parse et église de céans ; dont une fut nommée par N. H. André Ruys et Jullian Ruys son filz, et fut nommée André ; et l'autre par Sr Gracien Daragon et sa fe et fut nommée Gracien ". 
        Dans www.archives.nantes.fr/pages/.../serie_gg_saint_similien.htm,  parrain : :
"24 mars 1576, René, fils René Gilles et Jeanne Haugmard ; p., " H. Sgr Gracian Daragon, Sr de Bellebat, mari de Gracienne Poullain" 
 Egalement dans le mémoire de thèse de Nicole Dufournaud (http://nicole.dufournaud.net/these/adla/index.html
"A esté parains
[008] et marine Francois Arnollet son grand pere et Guillaume
[009] Poullain le jeune, et marraine madame de Belebat nommée
[010] Gratienne Poullain ma tante.
Le 5 feubvrier 1575 nasquit ma fille Francoise de Bourgues
[013] le samedy a 5 heures du matin. A esté baptisée ledit jour a Saint
[014] Nicolas. A esté son parain Gratien d'Aragon mon oncle,"

On peut lire également dans  http://nicole.dufournaud.net/these/these-dufournaud.pdf que Jeanne Daragon est la marraine de Pierre de Bourgues, fils de jacques et Françoise Arnollet et que Bernardin Daragon ainsi que Françoise Daragon (femme de Fernando de Mirande) sont parrain et marraine de Julien de Bourgues.
Dans les extraits de baptèmes des de Bourgues on retrouve 7 enfants  Daragon.
Ces espagnols étaient de riches commerçants aisés et généreux vis à vis des église et des hôpitaux de nantes. Ils ont consolidé leur situation pécuniaire et sociale en devenant propriétaires fonciers : http://www.persee.fr.

Nous lisons dans  http://www.infobretagne.com/orvault.htm :
"Entre 1588 et 1606, Gratien d'Aragon et sa dame, née Poulain, demeurant à Bel-Ebat, offrent une croix dorée"
Il est reporté dans la revue "la commune et la milice de Nantes par Camille Mellinet - 3ème volume :

"1577 "Mairie Loriot du fiel : Michel Loriot maire, sous-maire : Daragon sieur de Bellebast"
1578 "sous-maire Daragon sieur de Bellebast".
1579 "le même maire continué, mais le sous-maire remplacé par Daragon de Belesbat"
Gratien D'aragon (ou Daragon) était député de Nantes et a pris part à l'intervention des représentants de Saint Nicolas pour la levée de la contribution demandée par le duc de Mercoeur - an 1590.
 Gratien Daragon serait mort à Nantes en 1591 à l'âge de 44 ans, église St similien, autel St Sauveur. 


Gratien D'aragon et Gratienne Poullain eurent 13 enfants dont une fille Ysabeau d’Aragon née en 1557 (décès 1628), mariée le 8/11/1575 à Jehan LORIOT. 12 enfants sont nés de cette union. Ils ont vécu au manoir.
(http://gw0.geneanet.org/annick25?lang=fr;p=ysabeau;n=d+aragon)

Gratienne Poullain avait été mariée en première noce en 1504 avec Jean Hus de la Bouchetière dont elle avait eu une fille Françoise Hus de la Bouchetière.

 D'après  http://www.archives.nantes.fr/pages/RESSOURCES/inventaires/GG/serie_gg_saint_saturnin.htm, baptèmes d'un des enfants :
" 2 févr 1598, Marie, fille N. H. Jean Loriot, Sr du Fief, trésorier des États de Bretne et Delle Isabeau Daragon".
Les LORIOT ont habité Bel-Ebat  (Roger FREY http://www.infobretagne.com/)
"les logis de Doucet-Bel'Ebat  Propriétés, en 1600, des familles Aragon et Loriot, puis, en 1740, des familles Lesourd de Lisle et Letessier de Bel'Ebat"


Bel-Ebat comprenait le manoir qui devait être beaucoup plus important qu'aujourd'hui, ainsi que les logis qu’on peut voir encore de nos jours dans le village éponyme.



Une association locale "LE CLO" (culture et loisirs d'Orvault) a édité un petit fascicule en 1998 "mémoire en images Orvault" dans lequel figure une photo du dernier agriculteur du village de Bel-Ebat, devant l'ancien porche du manoir :






Un autre livret a été édité par la même association "balades découvertes  (les Anges - le Doucet)" dans lequel il est question du manoir de Bel-Ebat et vous indique la façon de le découvrir.

Je continue donc mes recherches mais la tâche est difficile, beaucoup de documents d’archives, d’avant le XVème siècle ont disparus et les noms sont orthographiés différemment, Daragon, d'Aragon, d'Arragon ...
Bellebast, Belle Bat, Belebat, Beletbas etc...


Les restaurations ont été faites sur les façades des différents bâtiments ainsi que le puits avec l'approbation de l'architecte des bâtiments de France. Cette propriété répertoriée est identifiée comme patrimoine remarquable dans le PLU de la ville d'Orvault.